Enchaînée ... pour l'instant [ PV Tôya Katsumi ]

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Enfin, après avoir joué la comédie pendant près de dix minutes, son prétendu maître l'avait libérée, comme promis. Maintenant elle marchait tranquillement dans une rue adjacente à la salle des ventes. Apparemment, l'esclavage était monnaie courante ici. C'est une chose que la jeune femme ne pouvait pas supporter, comme beaucoup d'autres choses qui entravaient son libre arbitre.
Alors que Eliza s'apprêtait à partir très très loin de cette salle de vente, trois démons l'empoignèrent. Elle réagit immédiatement, comme par réflexe, enfonçant un coude dans ce qui semblait être un plexus solaire, un genou à l'entrejambe et, virevoltant, donna un coup de poing au troisième démon. Ils se tordaient de douleur, mais ils avaient prévu la manœuvre ; trois autres démons attendaient en renfort et s'élancèrent. Elle n'avait aucun problème à se débarrasser de trois adversaires, mais six, cela devenait beaucoup, même pour elle. Elle cassa des nez, donna des coups mais, tant bien que mal, ils prirent le dessus. Ils durent se mettre à trois pour lui tenir les bras derrière le dos et deux autres pour l'attacher. Quand ce fut fait, ils se tinrent quand même en demi-cercle autour d'elle. Ils ne la sous estimaient pas. Mais elle venait seulement de commencer. Le sixième avait l'air d'être le chef. Il avait une apparence humaine, une vingtaine d'année, d'un physique plutôt séduisant, excepté les deux cornes sur son front et la lueur mauvaise dans son regard. Il s'approcha d'elle subrepticement, comme pour ne pas lui faire peur. Lui faire peur, à elle ? C'est plutôt lui qui devrait avoir peur, peur pour sa vie. Prudent, il lui caressa la joue du bout des doigts, sans rien dire. D'un geste vif, elle tourna la tête et le mordit. Bien fait pour toi ! Encire un peu et elle lui aurait tiré la langue. Il pensait la contrôler, et il s'était trompé le bout de chou. Et apparemment il n'appréciait pas son geste puis il la gifla violemment, faisant saigner sa lèvre déjà éclatée. D'un ton sarcastique, d'où perçait tout de même une certaine frustration, il lui dit :

- Alors ma jolie, t'es pas avec ton maître ? J'ai envoyé une série de démons pour l'égorger, ça ne te dérange pas j'espère ? Mes petits amis ont dit qu'ils trouvaient son attitude plutôt louche, et que l'un d'eux avait une affaire à régler avec toi. J'ai dû taper quelques têtes pour qu'ils s'arrêtent. Alors, dis-moi, es-tu digne de toute cette agitation ?

Pour seule réponse, elle lui jeta un regard méprisant, se retenant de lui cracher à la figure. Ça aurait été puéril, et complètement inutile. Elle essaya de tourner la tête, mais une main sur son menton l'en empêcha et l'obligea à regarder le démon droit dans les yeux. Ce qu'il lu dans les siens parut le satisfaire, puisqu'il la relâcha et s'adressa aux démons toujours postés autour d'elle :

- Ramenez-la moi à la salle des ventes, on en tirera un bon prix. Oui, un très bon prix.

Un des démons hasarda timidement :

- On ne pourrait pas s'amuser un peu avec elle avant ?

Leur vigilance s'était légèrement relâchée. Imperceptiblement. Ils étaient tous tournés vers leur chef, attendant sa réponse. Eliza s'était déjà détachée – le nœud n'ayant pas été bien fait – et lança un coude dans le ventre du démon le plus proche, cherchant à se ménager une porte de sortie, à l'opposée du chef démon. Elle cru réussir. Les démons mirent quelques secondes à se ressaisir, et ils avaient laissé un espace dans défense. Sa liberté était là. Au moment où elle s'apprêtait à s'en aller, le chef apparu devant elle, comme par magie. Comment ça pouvait être possible de se déplacer aussi vite ? Elle l'avait vu derrière elle pourtant. Ce n'est que lorsqu'il se mit en action qu'elle comprit. Eliza était rapide. Même très rapide. C'est comme ça qu'elle battait ses adversaires. Mais comparé à lui, elle était lente, très lente. Sa vitesse était inhumaine, ce n'était pas possible, pour une personne de sa constitution, d'aller aussi vite. Elle vit une main arriver vers elle. La jeune femme tenta d'esquiver, mais c'était trop tard, beaucoup trop tard. La gifle l'atteignit de plein fouet, suivie presque immédiatement d'un coup aux jambes, qui la fit tomber. Sonnée, elle ne put même pas se défendre contre les mains qui la rattachaient à nouveau, puis qui la soulevaient. Avec un claquement de langue, le chef dit :

- Tu voulais t'amuser avec elle ? Ce serait du suicide, du moins pour toi. Emmenez-la.

Bon gré mal gré, elle fut emmenée jusqu'à la salle des ventes dont elle était partie un peu plus tôt. Ils la forcèrent à s'agenouiller alors que les personnes défilaient, regardant et achetant parfois. Alors que les autres jeunes femmes à côté d'elle étaient juste attachées, Eliza était entourée de trois démons. Ses cheveux étaient en bataille, du sang coulait de sa lèvre jusqu'à son menton. Elle avait l'air d'une vrai furie, compensé tout de même par l'aspect candide de sa robe et du nœud dans sa cheveux. Un homme demanda à l'un des démons ce qui semblait être son prix – comme si elle pouvait avoir un prix et qu'on pouvait l'acheter - . Puis, en l'entendant, il sembla se raviser. Quelqu'un voudrait-il risquer sa vie à l'acheter ?

"Non, non, non ! Cela ne va pas !"

Un soupir exaspéré franchit les lèvres de Tôya en regardant le défilé des esclaves qu'un gardien s'empressait de lui présenter. Aucune ne lui convenait. Celle-ci était trop grosse, l'autre squelettique, une troisième sans aucune forme tandis qu'une dernière affichait un visage ingrat que des tonnes vulgaires de maquillage tentaient de dissimuler sans succès.

"Je ne suis aucunement satisfait de ces produits. Ils ne répondent à aucun de mes critères..."

Les protestations aimables et hypocrites du vendeur ne suffirent pas à le convaincre. En fait, le vampire impur ne prit même pas la peine de les écouter. A quoi bon s'abaisser à se laisser aller aux plaidoiries de cette personne insignifiante alors même qu'il lui avait déjà fait un assez grand honneur en lui adressant la parole ?

Il répondit à son interlocuteur par un geste de main vague, ne laissant aucun doute sur le manque d'intérêt qu'il éprouvait face aux arguments, et s'en alla.
Il poursuivit son "marché" au travers de la salle de vente, ne posant qu'un oeil vague sur certaines marchandises intéressantes pour diverses raisons.

Quelle raison avait bien pu le pousser à prendre une esclave ? Il ne vivait pourtant que pour retrouver celle qu'il aimait plus que tout, pouvoir l'arracher à ce maître qui avait osé la lui prendre pour l'emmener chez lui et la faire sienne... A la pensée de ce corps si svelte qu'il avait aperçu et qu'il s'arrangeait à croiser encore, il sentit l'envie le parcourir de tous côtés. Malgré les liens de parenté qui l'unissaient à l'objet de ses fantasmes, il n'avait aucune honte à éprouver ce désir. Devenir vampire avait modifié sa génétique sur plusieurs points, donc il ne se rapprochait plus autant qu'avant de son ADN d'origine...
Un esclave donc ? Elle ne pourrait pas LA remplacer... Peut-être faisait-il cela pour suivre une mode, assouvir son désir de confirmer la supériorité de son rang, maintenant qu'il était devenu l'un de ces êtres que tous craignaient sur cette île... Ou aussi pourquoi pas un moyen de se distraire, de quelconque manière et pas forcément par la coucherie à tout va...

Son regard erra, ne trouvant aucun intérêt aux divers spectacles sous ses yeux, jusqu'à ce que des cris retentissent de la part de trois démons. Ils entouraient une jeune demoiselle qui était agenouillée, le visage en sang. Intrigué, et surtout étonné par le fait que cette humaine qu'il ne connaissait pas le moins du monde ait attiré sa curiosité plus de trois secondes, il s'approcha. Le visage tuméfié de la belle laissait malgré tout transparaître une certaine beauté au naturel par la splendeur de ses cheveux roux et l'harmonie de ses formes. Pourrait-elle... ?

Tôya était à présent tout près de l'étal et examinait l'esclave malmené tandis qu'un homme discutait déjà affaires avec son vendeur. Le vampire releva un sourcil en signe de contrariété. Il détestait qu'une personne le devance sur ses vues. Il y avait tellement de jeunes filles identiques à celle-ci. Alors pourquoi ce gêneur ne pouvait-il pas abandonner l'affaire ?

Il écouta les commentaires laudatifs du vendeur sur sa marchandise, feignant le désintérêt. Et alors que le potentiel acheteur paraissait prêt à débourser une belle somme, Tôya croisa les bras en poussant un soupir déçu.

"Franchement, je la trouve quelque peu maigrelette et creuse... Son teint est trop pâle, sa bouche pincée et ses courbes manquent totalement d'harmonie. Et puis, diantre ! Ce pauvre visage tout abîmé réduit terriblement la valeur de ce spécimen..."

Il était méprisant dans ses paroles de manière volontaire, et son stratagème semblait avoir accroché sa prise, car l'homme eut une hésitation tandis que le vendeur le regardait avec rancune.

"Quelle banalité ! continua t-il. On peut trouver le même type de modèle dans ce marché, avec les blessures en moins, et à moindre prix..."

L'acheteur finit par bredouiller quelques mots, reprenant son argent des mains du marchand et s'en allant. Un sourire mauvais éclaira les lèvres du jeune vampire. Il avait réussi à écarter la gêne ! Quel homme naïf...
Avec le même air méprisant, il prit une liasse de billets et les fit miroiter devant le marchand.

"Je pense que vous devriez tout de même pouvoir faire votre affaire avec moi. La fille me plaît et je la veux. Simplement, vu ses blessures et le pauvre air de son visage, je refuse d'en payer le prix que vous en demandez."

Alors qu'il se heurtait aux gromellements -encore !- du marchand, il lui répondit d'un ton neutre.

"Ou dans ce cas, j'en paye le prix d'origine, et vous prenez en charge tous ses frais de guérison, ainsi que la pleine responsabilité de son indisponibilité, car elle ne sera pas en état de travailler correctement pendant un petit moment..."

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Tout en regardant ses gardiens d'un air haineux, Eliza écoutait avec attention ce qui se passait autour d'elle. Le démon qui lui avait flanqué une raclée était parti – il avait accompli sa mission, qui consistait en sa capture -, ne laissant derrière lui que trois démons chargés de la surveiller. Un homme s'était approché d'elle et l'avait toisée d'un air méprisant. Elle lui rendit son regard avec force, jusqu'à ce qu'il tourne la tête, feignant de s'intéresser à autre chose. Sa haine envers ceux qui la retenaient prisonnière était incomparable, et quiconque se mettait sur son chemin devait craindre de se retrouver les boyaux à l'air. Elle n'était pas la jeune fille innocente qu'elle semblait être, et elle l'avait vite fait comprendre à ce vendeur pansu et arrogant. Malgré cela, il semblait bien décidé à la vendre. D'abord parce que la rébellion a un prix, et que mater des esclaves pas assez obéissants était le passe-temps favori des gens de cette île. Malheureusement, peu de gens avaient assez de personnalité pour tenir plus de cinq secondes contre une perversité sans faille, et l'ironie cruelle de la jeune femme se faisait denrée rare. Et puis, malgré un peu de sang qui coulait de sa lèvre, nul ne pouvait contester sa beauté. Ou du moins sa candeur enfantine, qui ferait fondre n'importe qui.

Pour en revenir au vendeur – un gros balourd avec une tête de fouine – il était en train de discuter avec une personne qui semblait vouloir l'acquérir. L'acquérir. Un bien grand mot. C'est-à-dire acheter son corps, son âme, son obéissance, sa pensée, sa fidélité, sa loyauté … Ça fait beaucoup de choses tout de même. Et elle ne comptait absolument pas les donner à quiconque. Sa loyauté, bien sûr. Son obéissance, même pas en rêve. Le pauvre petit, il allait dépenser de l'argent pour rien. En plus de dépenser de l'argent, il allait dépenser sa vie. Le seul qui y gagnait dans l'histoire, c'était le vendeur. En fait nan, puisque une autre personne vint sauver le premier. Eliza darda son regard sur le nouveau venu. Elle sut tout de suite qu'il n'était pas humain. Comment ? Facile. Comme un humain aurait-il pu avoir des cheveux violets, et des yeux de la même couleur. Enfin, il avait un air plutôt enfantin, même s'il se dégageait de lui quelque chose à faire froid dans le dos. Était-ce par cette espèce d'indifférence qui l'entourait ou par le coup d'œil craintif du vendeur ? Pour le moment, Eliza ne pouvait pas le dire, mais elle sentait qu'elle le saurait bientôt. Très bientôt même. En effet, le jeune homme se mit à faire des commentaires désobligeants sur elle. Mais de quel droit disait-il qu'elle n'avait pas de formes ? Il s'était vu lui ? Et le voilà, qui continuait à la déprécier … Enfin, ça avait l'air de convaincre l'autre naïf, puisqu'il se ravisa et alla trouver une autre esclave pour défouler ses instincts.

En fait, tout ça n'était qu'un stratagème pour l'acheter, pour faire fuir la concurrence. L'idiot ! Il venait de sauver la vie de quelqu'un d'autre pour perdre la sienne en même temps. Il y avait vraiment des gens qui étaient suicidaires, ou bien qui ne savaient pas à qui ils avaient affaire. Enfin bref, l'autre essayait encore de négocier les prix avec le vendeur, comme quoi elle était blessée et qu'elle avait un pauvre air. Juste pour embêter le monde, Eliza lécha ses lèvres pour enlever le sang et tenta de faire bonne figure, ce qui parut convaincre le vendeur puisqu'il refusa de baisser les prix. Eliza observa la négociation entre les deux hommes. En fait, c'était presque comique. Deux personne qui négocient un prix pour quelque chose qui n'a pas de valeur et qu'aucun des deux n'obtiendra jamais … il y a de quoi faire rire non ? C'est exactement ce que fit la jeune femme. Elle éclata de rire. Un rire sincère, mais mêlé tout de même d'une certaine ironie. Aussi vite que son rire avait commencé, elle retrouva son sérieux et fixa celui qui comptait l'acheter.

- Mon chéri, dépense pas de l'argent pour rien. Va boire, va coucher avec une jolie paire de jambes, mais dépense pas de l'argent pour mourir. Tu sais, je serais triste de devoir t'ouvrir le ventre. Tu as un côté idiot et imbécile qui m'en empêche. Mais si le sang est le seul moyen de te calmer, je n'hésiterais pas. Par contre, si tu fais demi-tour et tu vas voir ailleurs comme un brave garçon, je ne te tiendrais pas rigueur d'avoir voulu acheter quelque chose que tu n'auras même pas dans tes rêves les plus fous. Retourne jouer aux billes, et laisse les grands faire leurs affaires. N'essaie pas de jouer aux jeux de grands, il pourrait t'en coûter cher, très cher.

Eliza, dans les dernières phrases, avait perdu son ton léger. Derrière l'ironie, la menace était réelle. Pire, la promesse. Une promesse de mort. Elle l'humiliait, elle le rabaissait, mais lorsqu'il serait l'heure d'agir, elle sera aussi vive que l'éclair. Le vendeur la foudroyait du regard, sa main se portant vers la cravache qu'il avait à sa ceinture, mais il suffit qu'elle le fixe pour qu'il arrête net son mouvement. Elle était attachée, sans défense. Il avait des armes, était libre de ses mouvements. Et pourtant …

Le marchand... Quel être coriace et rempli d'espoirs vains ! Quel homme pathétique ! Si Tôya avait beaucoup entendu parler du directeur, un homme redouté parmi les vampires, son marchand n'était qu'un incapable borné. Quelle idée franchement d'abîmer son esclave pour la vendre ensuite à un prix exhorbitant ? Cela était contre les règles. Mais il fallait avouer qu'il ne pouvait pas non plus lui donner entièrement tort. La jeune esclave était plutôt jolie, mais ne s'annonçait pas vraiment malléable. Il lui faudrait bien réfléchir et tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de se décider à pleinement l'acquérir.

Certes, pour mater son insolence un peu forte, il avait toujours son pouvoir... Sa main eut d'ailleurs un petit geste nerveux en direction du marchand, puis de l'esclave, mais il s'abstint. Faire usage fréquent de ce don reviendrait à avouer sa faiblesse... Non, il fallait qu'il l'utilise peu, mais aux bons moments, et de manière suffisante pour qu'elle s'en rappelle.
Mais pour le moment, là n'était pas la question. Il observa d'un peu plus près la jeune fille et son regard rebelle, et l'entendit lui débiter tout un long discours. Elle semblait sûre d'elle, et absolument peu encline à assumer sa condition d'esclave. Il tourna autour d'elle, alors qu'elle débitait un long discours sur les 1001 dangers de s'intéresser à elle, ainsi que sur ce qu'elle pensait de lui. Ces réflexions désagréables et violentes arrachèrent un sourire ironique au jeune homme plutôt que de provoquer la colère. Il se remit face à elle. Elle se tenait étrangement droite malgré son état physique quelque peu affecté par les coups des brutes qui l'entouraient. C'était cela la fierté... Il l'avait aussi bien connu.

N'ayant pas l'air de tenir compte de ces propos, il la fixa encore avec cet air intéressé, un brin mystérieux qu'il savait très agaçant.

"Une lionne, n'est-ce pas ?"

Il réserva son air le plus méprisant au marchand et sortit de la poche de son manteau une liasse de billets qu'il donna à cet inférieur.

"Je n'en donnerais pas plus. Et si l'envie vous prend de m'empêcher d'acquérir cette jeune femme, je pense que votre patron se fera un plaisir de savoir l'état dans lequel vous l'avez présenté... Vous savez à quel point il est soucieux de sa marchandise..."

En prononçant ces derniers mots, il avait pris le menton de sa nouvelle acquisition et fixait ses blessures au visage.

"Avec quelques jours de repos, il n'en paraîtra rien."

Ces mots avaient été prononcé sans aucune bienveillance quelconque. Le marchand, quant à lui, frustré de devoir céder par peur pour son patron, prit la jeune fille par l'épaule pour la pousser sans douceur vers le vampire. Celui-ci ne la rattrapa pas. Il faudra se méfier de cette demoiselle, mais sa force de caractère, d'un autre côté, pourrait bien l'amuser. Il ordonna qu'on lui ôte ses liens et, alors que le vendeur lui en proposait d'autres pour la ramener chez lui, il refusa, tournant sa tête vers sa nouvelle esclave.

"Sur cette île, vous êtes des marchandises, ne l'oublie pas désormais. Maintenant, je t'ai acheté avec MON argent dont je dispose comme je veux, et tu es à moi. Simplement, n'oublie pas que, si je te laisse aller et venir sans chaînes, je compte sur ton bon sens pour ne pas chercher à faire quoi que ce soit de totalement fou. Je n'aimerai pas avoir à te faire du mal, même si je n'ai même pas besoin de lever la main sur toi pour cela..."

Tous ces mots avaient été prononcés avec son calme habituel, sans qu'une parole ne soit plus haute que l'autre.

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Son prétendu maître tournait autour d'elle comme un loup autour d'une biche. Mais il allait apprendre à ses dépens qu'elle n'était pas une biche et que le loup s'enfuirait bien vite la queue entre les jambes. Enfin bref, il y avaient certaines personnes qui étaient inconscientes et elle n'y pouvait rien. Elle ne faisait, au bout du compte, que défendre son libre arbitre. Libre arbitre qu'un jeune homme aux cheveux violets avait la prétention de vouloir acquérir. S'il l'écoutait, tant mieux pour lui, sinon tant pis. Mais qu'il arrête de lui tourner autour ainsi, sinon Eliza ne pourrait s'empêcher de lui coller son poing dans la figure. A défaut d'être élégant, cette technique avait déjà plusieurs fois fait ses preuves, et il se mettait le doigt dans l'œil jusqu'au coude s'il pensait qu'elle hésiterait à l'utiliser.

Donc son prétendu maître se remit face à elle et une un petit sourire ironique. Un jeune homme patient donc ? Cela aurait été plus amusant qu'il se mette en colère, mais s'il préférait la méthode lente c'était comme il voulait. Elle appréciait son calme mais elle ne pouvait le supporter par le simple fait qu'il veuille l'acheter. Il la fixait comme si elle était une bête de foire, ce qui agaça considérablement la jeune femme, qui n'en montra rien toutefois. S'adressant de nouveau au vendeur, il fit une remarque sur elle qu'elle ignora complètement, puis parla argent et autres choses inintéressantes. Une liasse de billets passa de mains en mains. Puis, au grand dam d'Eliza, il la prit par le menton. Elle se retint de le mordre. Pas encore. La vengeance est un plat qui se mange froid, glacé même, et montrer ses sentiments n'était pas la meilleure solution. Le vendeur, frustré par la mauvaise affaire qu'il avait faite, l'avait poussée sans douceur vers son maître. Ce dernier ne la rattrapa pas et elle s'écrasa contre son torse, gênée par les liens qui l'entravaient. Elle reprit très vite son équilibre, franchement dégoûtée par son contact, et se tint tranquille pendant qu'on lui enlevait ses liens.

Le jeune homme était vraiment naïf ? Pensait-il vraiment qu'elle n'allait rien tenter ? Alors qu'il l'avait libérée ? Pauvre petit, il allait découvrir la dure réalité de la vie. Au fait, il s'adressait à elle. Des menaces, encore des menaces et toujours des menaces. Il parlait pour ne rien dire, ce qui semblait être habituel pour les gens de cette île. Alors qu'elle le fixait d'un air faussement intéressé – qui ne dupait personne -, Eliza avait imperceptiblement changé son point de gravité. Poliment, elle attendit qu'il ai fini de parler pour passer à l'action. Un coup de pied fusa, tellement rapide qu'il en devint flou, vers le vendeur. Celui-ci s'écroula, sonné. Aussitôt, Eliza s'empara de l'arme qu'il avait à sa ceinture, prit quelques pas d'élans, s'élança et fit un magnifique saut périlleux au-dessus de son maître pour se retrouver derrière lui. Instinctivement, elle adopta une position de combat. Elle ne le sous-estimait pas, elle pensait au contraire qu'il cachait une partie de son jeu. Elle devait cependant lui montrer que la rigolade était finie, et qu'il était temps pour elle de partir. Et que rien ne l'empêcherait, même pas lui. D'une voix faussement dévouée et polie, elle lui dit :

- Je suis désolé, monsieur, mais je me dois de m'absenter pour un moment. Restez là bien sagement, et laissez-moi partir sans faire d'histoires. Cela me navrerait grandement de devoir répandre votre sang sur les pavés, alors je vous prierais de ne commettre aucun acte imprudent. Merci.

Puis elle lui fit une révérence parfaite, emplie de mépris et de dédain. Elle commençait à reculer doucement mais attendait sa réponse, polie jusqu'au bout des ongles, pour partir. Elle était libre, et ce n'était pas un épouvantail aux yeux violets qui l'en empêcherait.

Tôya était assez fier de sa nouvelle acquisition. Il n'en voyait certes pas l'utilité profonde pour le moment, mais il avait choisi... Il faudrait à tout prix qu'il évite de mettre trop les pieds dans ce marché, au risque d'en repartir avec une jeune femme supplémentaire à chaque fois. Etait-ce son besoin de montrer qu'il était devenu un maître qui prenait le dessus ? Pensait-il qu'en se balladant fièrement avec cette jeune femme et en l'appelant "mon esclave", il serait considéré comme un supérieur, ces supérieurs qu'il avait dû subir il y avait encore un an ?
Non, c'était certainement plus profond que cela. Il n'empêche que la belle semblait avoir du caractère, et cela lui plaisait malgré lui. Il n'aimait pas les gens défaitistes, faibles ou trop soumis. Cela lui rappelait trop ce que son ancien maître avait fait de lui après cinq années de tortures mentales. Il était devenu un chien fidèle, et rien que ce souvenir lui faisait horreur...

Il se trouvait maintenant face à sa nouvelle proie, elle le dardant de son regard si fier, les mains déliées et dans une posture de garde-à-vous qui ne présageait rien de bon.
Mais cette beauté rousse avait cependant un défaut, et il ne tarda pas à confirmer cette pensée.

En effet, qui, en tant qu'esclave suffisamment fier pour défendre sa liberté, pieds et poings déliés, ne résisterait pas à la tentation de chercher à se défaire de ces liens invisibles d'esclavage ? Contre toute attente, la jeune fille prit cependant pour cible son marchand, qu'elle assomma et dont elle prit l'arme avant de se retrouver par une habile combinaison de souplesses derrière le vampire. Elle le menaçait et pourtant, lui ne bougeait pas.
Il daigna manifester de l'intérêt pour la jeune femme au bout de quelques secondes et se retourna doucement, la fixant toujours de son air ironique, et de ce sourire mesquin, alors qu'il restait les mains dans les poches.

Il resta ainsi un long moment face à elle, la posture très droite, le regard hautain avant de soupirer :

"Non, il est impossible que tu sois aussi bête pour croire que j'étais d'une naïveté affligeante..."

Sous les yeux effrayés des autres personnes présentes dans ce marché, il tourna le regard sur le côté et n'eut pas à plus insister. Une ombre fondit sur la demoiselle et lui tordit le poignet derrière le dos pour la forcer à lâcher l'arme.

Le sang impur attendit que le pugilat se termine pour enfin se décider à se rapprocher des deux combattants, plus particulièrement de son esclave.

"Cet homme qui te maintient solidement est mon ombre, en quelque sorte... Je lui ai rendu quelques menus services il y a quelques temps et il est depuis totalement dévoué à ma cause. Il y a quelques temps, j'étais à sa place, et c'était à moi de défendre mon maître, ou de le servir fidèlement face à des esclaves farouches comme toi... A la différence que j'étais autorisé à tuer si le besoin s'en faisait sentir. Tu as de la chance, car j'ai interdit à mon subordonné d'accomplir un tel geste sans avoir essayé toutes les solutions pour éviter cela. Tu es intelligente, je n'en doute pas, et je compte bien sur cette qualité rare pour ne pas en avoir à arriver là... Ou même à pire..."

En effet, il n'avait pas sorti sa meilleure carte. C'aurait été plus cruel pour elle s'il avait décidé de personnellement s'occuper de son cas.
Il maintint cette fois-ci sa mâchoire entre ses mains pour l'empêcher de faire un mouvement et lui murmura à l'oreille :

"J'ai été esclave avant toi, trésor. Ne crois pas me berner avec ces coups fourrés. Je les ai tous essayés il y a de nombreuses années..."

Ceci dit, un sourire malin orna une nouvelle fois son visage et il posa ses lèvres sur celles si roses de la belle rousse, suffisamment longtemps pour qu'elle le ressente, mais tout de même assez peu pour qu'elle ne tente rien. Un minimum de méfiance était de mise tout de même, mais il était si facile de la faire sortir de ses gonds...

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Son prétendu maître n’eu pas la raison qu’elle escomptait. Certes, elle n’attendait pas à ce qu’il se mette à pleurer et à la supplier à genoux de l’épargner, mais tout de même, il aurait pu avoir un minimum de réaction devant quelqu’un qui braquait son arme sur lui. Non, rien, même pas un regard. Il avait l’air complètement serein, comme s’il maîtrisait parfaitement la situation. C’était peut-être le cas après tout. Vu son attitude, même probablement le cas. Mais Eliza ne pouvait s’empêcher d’essayer, car sinon elle aurait des regrets toute sa vie. Et même si elle échouait, elle en saurait désormais un peu plus sur lui. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes qu’il se retourna, la regardant avec cet air ironique qui lui semblait si familier. Il ne dit mot, se contentant de rester face à elle. Enfin, après de nombreuses secondes, il ouvrit la bouche. Le message fut aussi clair que succinct : elle était une idiote que de croire qu’il était sans défense. Et elle allait payer sa naïveté. Puis il se détourna, comme s’il n’avait pas besoin d’en dire plus. Eliza sentit un mouvement dans le marché. Non pas que tout soit immobile, mais un mouvement froid, calculateur, et dirigé vers elle. Son premier réflexe fut de se défendre. Elle arriva trop tard, beaucoup trop tard. Alors que la pensée de se déplacer arrivait jusqu’à son cerveau, elle sentait déjà qu’on lui tordait les bras, l’obligeant à lâcher son couteau, puis qu’on ramenait derrière elle ces derniers. La jeune femme essaya de voir le visage de son agresseur, mais une forte douleur aux épaules l’en empêcha et l’obligea à rester calme.

En bon maître, le jeune homme devant elle lui expliqua tout. Bla bla … Comme il était avant … Bla bla bla. En fait, c’était l’équivalant d’un garde du corps. Vachement efficace. Cela faisait quelques minutes qu’elle se débattait et, rien à faire, sa poigne était d’acier. Et l’autre qui parlait, encore et toujours. Mais tais-toi un peu, tu m’empêches de réfléchir ! La seule chose qui interloqua la jeune femme fut les révélations à propos du passé de son maître. En effet, il avait l’air de dire que lui aussi avait été esclave auparavant. Intéressant. Cela expliquerait donc son comportement narcissique et dominateur. En fin de compte Eliza se foutait de son passé comme de sa première chaussette, mais cela pourrait se retourner bientôt contre lui. Très bientôt même. La seule bonne nouvelle, d’après lui, était que son serviteur n’était pas autorisé à la tuer. Super. Elle était folle de joie. Et quoi d’autre sinon ? Il allait desserrer son étreinte, histoire qu’elle n’ai pas des bleus pendant les 15 prochains jours ? Apparemment pas. Tant pis.

Son maître choisit le contact, lui tenant la mâchoire pour qu’elle ne fasse pas de gestes imprudents. Eliza retroussa la lèvre supérieure, comme un félin. Ce qu’elle détestait par-dessus tout, c’était qu’on la touche, même qu’on l’effleure sans son autorisation. Et lui osait poser ses mains sur elle, pour lui murmurer à l’oreille. Des menaces, toujours des menaces ; Mais qu’il ôte ses mains de là. Non, il fit pire. Il l’embrassa. Pendant une seconde. Prudent le petit bonhomme, une seconde de plus et il était mort. Mais il avait posé ses lèvres sur les siennes, et ça elle ne pouvait le tolérer. Tous ceux qui avaient violé ses défenses flottaient dans l’eau, éventrés, et il était le prochain sur la liste. Une colère absolue envahie Eliza. Une colère brute, puissante, quasiment indestructible. Les yeux d’Eliza se voilèrent et un grondement parvint du fond de sa gorge. Puis elle se rendit compte que c’était exactement ce qu’il attendait. Par un immense effort de volonté, elle entreprit de respirer normalement. Inspira profondément. Expira. Son corps se détendit, comme si on avait brusquement enlevé un poids de ses épaules. Son esprit était clair, lucide, débarrassé de toute pensée meurtrière … pour l’instant. Elle fit un sourire, un sourire mauvais, avant de reprendre de sa voix méprisante et dédaigneuse :

- Mon chéri, ne crois pas que je serais comme toi. Une pauvre petite carpette, une lavette, un chien fidèle aux moindres désirs de son maître. Ne crois pas que je m’agenouillerais devant toi pour te supplier comme tu l’as sûrement fait avec lui. Que je m’humilierais pour combler le narcissisme et l’arrogance d’un homme. Que je m’inclinerais alors que je suis libre. Non, je ne serais pas un brave toutou à son maître comme toi. Une chose qui ne mérite même plus le nom d’homme. Non mon chou, je suis désolé, si tu veux ça, il y a une boutique de putains en face qui seront assez obéissantes. Un ancien esclave … vraiment non, je ne serais pas comme toi.

Le dernier mot avait été craché avec tout le mépris possible. Le pire était qu’elle pensait tout ce qu’elle disait. Elle sentit l’étreinte du serviteur se resserrer, mais elle ne retira pas ce qu’elle avait dit, au contraire. Relevant la tête, elle eu un sourire ironique, la réplique exacte de ce qu’il lui avait servi quelques minutes plus tôt :

- Au départ je te haïssais. En fait je te hais toujours. A un moment j’ai dû ressentir quelque chose ressemblant vaguement à du respect pour toi. Mais maintenant, mon chéri, je ne ressens que de la pitié. De la pitié pour ce que tu es. Vraiment je n’ai que ça à t’offrir car c’est le seul sentiment que tu m’inspires. De la pitié. Comme un chien blessé qui agonise. Mais les chiens blessés, on les tue.

Le ton était calme, et les yeux de la jeune femme se teintèrent de l’émotion qu’elle venait de décrire. Evidemment, la part de pitié était très faible par rapport à la part de haine, mais ça il n’avait pas besoin de le savoir. Et pas non plus que le respect existait encore. Caché, largement dominé par cette pitié. Pauvre chien …

Il avait gagné ce tour-ci. Il avait remarqué que son esclave était destabilisée et surtout surprise de l'intervention de son garde du corps. Tôya se félicita de l'avoir à son service. Il l'empêchait d'avoir à trop utiliser son pouvoir au grand jour. Mais par-dessus, ce qui avait satisfait le vampire était la tête et l'humeur visible de sa nouvelle acquisition lorsqu'il l'avait embrassé. Il montra de manière ostentatoire l'ironie qu'il éprouvait à la voir telle une furie prête à tout tuer sur son passage, à commencer par lui.
Mais Eliza s'était aperçue de sa manoeuvre et reprenait le contrôle de son corps et son esprit. Si le sang impur en éprouva un sentiment minime de déception, il observa la situation avec un certain intérêt. Elle choisit l'attaque et utilisases piques acerbes pour lui répliquer des paroles à dire vrai... bien vilaines... Oui, un maître comme les dédaigne Tôya aurait déjà mis la jeune fille dans la salle de dressage pour lui apprendre la vie. Mais pas Tôya. Non, il n'y avait rien d'amusant à faire plier ainsi une femme de caractère assez rebelle. A quoi bon disposer d'une servante molle de caractère ? Cela n'avait aucun sens.

De plus, la jeune femme était intelligente. Elle allait vite comprendre qu'elle avait tout à gagner de rester chez lui, tant l'extérieur était rempli de démons dangereux, prêts à tout pour satisfaire leurs envies sur une femme, quelque soit son caractère.

Percevant la rage de la demoiselle, il arbora un sourire mesquin, montrant ainsi que ses paroles dépréciatrices ne le touchaient nullement. Et c'était vrai. A quoi bon remuer un passé ? Sur ce point, il était d'accord avec Eliza : il avait été pathétique. Mais là n'était plus l'heure des regrets. Il n'était plus le même depuis qu'il avait acquis ce pouvoir, et une vie nouvelle avait recommencé pour lui, une vie de puissance et de domination.

Si son esclave choisit la confrontation, lui ne recula pas en défense, mais au contraire contre-attaqua. Sachant que son garde du corps la maintenait fermement, il ne risqua pas grand chose à effleurer le visage de la jeune femme, passant même ses doigts fins dans son cou, avec une certaine attitude de moquerie. Il savait que son contact l'énervait, et pourtant, elle allait devoir s'y faire. Même s'il n'éprouvait pas comme les autres maîtres le besoin de mettre une esclave récemment acquise dans son lit, elle y passerait un jour. Quand ? Dans un jour, un mois, un an... Qui sait ? Selon ses envies. En tout cas, elle avait de quoi lui plaire.

"Je me fiche totalement de ce que tu penses de moi. Je n'accorde aucun crédit à ton opinion. Pour le moment, je vois plutôt le chien blessé en toi, à force de te débattre et de faire croire à ta force d'esprit en lâchant des diatribes qui n'ont aucun sens. Non seulement ces remarques n'ont aucun intérêt, mais tu persistes à vouloir te croire puissante. Obstine-toi dans ta fierté, je n'en ai cure. Tant que tu accomplis correctement tes tâches, nous nous fréquenterons le minimum nécessaire... Jusqu'à ce que j'en décide autrement..."

Encore une remarque lourde de sous-entendus qu'il ne lâchait pas innocemment. Mais elle était si mignonne quand elle s'emportait...

Invité

Un sourire mesquin mit fin à toute tentative pour l’énerver. Bon, ça non plus ça ne marchait pas. Généralement, ça énerve un homme qu’on se moque de lui et qu’on blesse son amour-propre. Deux solutions : ou il était énervé et il cachait très bien son jeu, et là il y avait une infime possibilité de le faire sortir de ses gonds, ou bien il ne ressentait vraiment rien, et là c’était plus problématique. Car à cause d’un charmant garde du corps qui était en train de lui arracher les bras, elle ne pouvait pas le menacer directement. Il ne lui restait donc que les mots pour blesser. Eliza se savait en mauvaise situation mais elle se refusait à l’avouer. De toute façon, il baisserait bien un jour sa garde, et à se moment-là il finirait un couteau dans le ventre. Rien de plus simple. Elle pourrait faire semblant de lui obéir, ce serait même une bonne stratégie mais … elle ne pouvait pas. Par nature, la jeune femme était incapable de simuler quelque chose qu’elle abhorrait, quelque chose qu’elle détestait par-dessus tout. Non, Eliza se battra jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus une once d’énergie, jusqu’à ce qu’elle soit morte. Ou que lui le soit.

Mais le méchant maître avait deviné ce qui l’énervait par-dessus tout, ce qui la faisait sortir de ses gonds, ELLE. Ce n’était pas bien difficile à trouver et, dans la situation où elle était, elle ne pouvait rien faire pour riposter. Il se délectait de sa fureur, mais elle ne pouvait s’en empêcher, elle ne pouvait s’empêcher d’être folle de rage à l’idée qu’il pose sa main sur elle. Et lui continuait. Il lui effleura le visage, passa ses doigts dans son cou. Avec lenteur, comme pour se moquer d’elle, mais surtout pour montrer qu’elle ne pouvait rien faire. Malgré elle, le souffle d’Eliza s’accéléra, elle durcissait ses muscles comme pour attaquer. La jeune femme se retint comme elle le pouvait, mordant ses lèvres jusqu’au sang pour se calmer. Ce goût métallique dans sa bouche la fit redevenir lucide et elle vit de nouveau clair. Eliza devait absolument arrêter de s’énerver ainsi, elle ne faisait que faire le jeu de son prétendu maître qui s’en délectait. Mais elle ne cessait d’avoir des visions de lui, la gorge ouverte, et cela lui faisait bouillir le sang.

Ah, son maître était en train de parler. Oups, elle avait loupé une partie de son discours. C’est grave ? Tu ne m’en voudras pas j’espère ? Gna gna gna … Remarques sans intérêt … Accomplir des tâches … Pardon ? Comme si elle allait faire quoi que ce soit pour ce crétin de première. Minimum de contact, jusqu’à ce qu’il le veuille … C’était la meilleure. S’il y avait bien une chose qui ne pouvait pas la mettre en colère, c’était ce genre de sous-entendus. Eliza éclata de rire. Un rire ironique, à la limite du méprisant. Mais un rire tout de même, cristallin comme l’eau d’une cascade, clair comme une cloche que l’on sonne. Un rire d’Eliza quoi, rare et qui manifestait toujours un profond amusement, sincère pour le coup. Le rire s’envola aussi vite qu’il était venu et, redevenant sérieuse, la jeune femme s’adressa à son maître :

- Chéri, s’il y a bien une chose qui ne me fait pas peur, c’est que j’aille dans ton lit. Tu sais pourquoi ? Parce que, mon chou, tu seras mort bien avant. Tes entrailles se déverseront sur une de ces ruelles, et tu me maudiras alors que je serais là à te tuer lentement. Et tu mourras avec mon nom sur ta bouche. Et je m’en délecterais. Après si la mort ne te fait pas peur, continue de vouloir asseoir ton autorité avec moi. Tu en paieras le prix.

Elle avait fini l’ironie et le cynisme. Elle était sérieuse pour le coup. C’était une menace. Une menace de mort. Même plus. Une promesse. Le garde du corps la serra encore plus, mais elle s’en fichait. Car elle avait délivré son message et le destin de son prétendu maître était tout tracé.

Tiens. Maintenant des menaces de mort... Ce fut la seule pensée qui traversa Tôya, indifférent, alors qu'il dévisageait l'humaine, les yeux légèrement plus ouverts qu'à son habitude. Ce n'était pas une marque de surprise ni même une quelconque once de peur, mais plus une envie de lui montrer qu'il avait entendu ses paroles sans y accorder un quelconque crédit. Le voilà prévenu. Mais à dire vrai, il ne s'inquiétait pas. Son garde du corps était un véritable professionnel dans son métier, et dans les temps de repos de ce dernier, il savait très bien lui-même se défendre notamment grâce à son pouvoir.

A cette pensée, sa main eut un mouvement nerveux, et l'envie de montrer à cette impertinente tellement amusante la difficulté, voire même l'impossibilité qu'elle aurait à appliquer ses menaces. Mais il n'en fit rien. La sentence, le moment venu, en serait moins distrayante. Mais autant dire que si cette rousse avait suffisamment d'énergie pour lui vitupérer de telles menaces, elle serait d'une efficacité redoutable dans les travaux de la maison.

Il éclata d'un rire franc, la première marque d'attention qu'il lui porta, et ses yeux se plissèrent dans un regard narquois et provoquant. Il approcha une nouvelle fois son visage, le temps de lui dire :

"J'attends ce moment avec impatience... Ma douce..."

Bien entendu, ce surnom était purement ironique et sans aucune connotation affective quelconque. Il fallait juste lui montrer qu'il n'était pas du genre impressionnable tout ça pour quelques paroles de vipère prononcées sous la volonté de paraître forte.

Il fit un geste à son ombre, qui tenait toujours vigoureusement l'esclave dans sa poigne forte et lui dit :

"Ramène la dans sa nouvelle maison et donne-lui sa chambre. Je ne rentrerai que dans la soirée. En attendant, je sais que tu lui trouveras quelques occupations..."

Il n'y avait aucun sous-entendu malsain dans ces paroles, mais il avait été volontairement vague pour voir la réaction de la rebelle. Sans un regard supplémentaire à Eliza, il tourna les talons et se dirigea vers la sortie, lentement, afin de voir s'il aurait le droit à une ultime vitupération de son esclave.

Cela s'annonçait... intéressant...

Invité

Il ne parut pas plus impressionné par ses menaces que par ses autres déclarations. Tant pis pour lui. Juste là, elle avait été gentille, presque conciliante. Elle l’avait averti, lui avait dit ce qu’il encourait en la gardant avec lui. Elle lui avait clairement tout détaillé, puisqu’il ne semblait pas comprendre. Il refusait de faire face à la réalité et elle, amicale au possible, le lui avait redis. Mais cela n’avait pas l’air de l’intéresser. Tant pis. Personne ne pourrais dire qu’il n’avait pas été prévenu, et la jeune femme se lavait les mains en cas de mort de ce charmant jeune homme.

Elle avait été la plus douce possible, et encore il se moquait d’elle ! Il lui riait au nez ! Mais tôt ou tard, tout se paie. Chaque regarde narquois, chaque parole ironique. Oui, elle se délectera de la mort de ce petit idiot. Il attendait à voir. Et bien, il ne devrait pas attendre. Car la mort fond sur vous lorsque vous vous y attendez le moins. D’abord se débarrasser u garde du corps, et après du maitre. Une belle mort violente. Fini, histoire suivante.

Il parlait à la personne qui la tenait. Personne qu’elle ne voyait pas, puisque située derrière elle. Il lui disait de la ramener et de lui trouver une occupation. On s’en fout quoi. Elle ne l’écoutait même pas. S’il comptait lui faire peur ou un truc dans le genre, c’était plutôt raté. Donc le chéri ne rentrait que dans la soirée. Bien. En fait non. Il pouvait bien ne pas revenir que cela l’indifférait. Une petite pointe de déception peut-être, de ne pas l’avoir vu l’écume au lèvres. Il se dirigea lentement vers la sortie. Ben quoi ? Il avait l’air de s’attendre à ce qu’elle lance quelque chose … Une prophétie funeste, ça te va ? Eh non, la gentillesse, c’est fini, elle en avait marre de faire la généreuse. Eliza se contenta de lui lancer un regard méprisant, même si il était de dos. Elle voulut hausser les épaules, mais une poigne ferme l’en empêcha. L’ombre serrait de plus en plus fort, peut-être par distraction, ou le contraire. Un voile de douleur passa dans les yeux de la rouquine et elle gémit doucement, avant de se reprendre et de serrer les dents. Elle ne céderait pas, dusse-t-il même lui casser les bras. Quoique, avoir deux bars cassés ce serait bien gênant pour tuer quelqu’un.